Note : ce chapitre sur la philosophie ostéopathique a été grandement inspiré par le mémoire de fin d'étude rédigé par Renaud de POMMEREAU soutenu en Avril 2012 et intitulé : " La philosophie ostéopathique, Fondement indispensable de notre pratique, de 1874 à nos jours"  (Sous la direction de : Frédéric Chaligne DO (tuteur) et Pierre Tricot DO (co-tuteur) )
Préambule
   
Comprendre ce qui anime ou devrait animer l'ostéopathe dans sa démarche thérapeutique ne peut s'envisager sans revenir à la personne qui a codifié et initié cette pratique dans la fin du 19 ème siècle.
 

Andrew Taylor STILL (1828 - 1917)
 
Né en 1828 en Virginie (Etats Unis d' Amérique), Andrew Taylor STILL apprendra la médecine auprès de son père pasteur dès ses 20 ans. La médecine de l'époque se transmettait par apprentissage direct et bien qu'ayant complété sa formation par des études à l' Ecole de Médecine et de Chirurgie de Kansas City il s'aperçoit bien vite que cette médecine allopathique faisait dans la plupart des cas plus de mal que de bien. Il constate même au retour de la guerre de sécession (engagé en tant que chirurgien et combattant) que la mortalité infantile était moins importante dans les endroits où les médecins étaient les moins présents. Il ne finira d'ailleurs pas sa formation car en désaccord profond avec les enseignements de l'époque.
 
Préférant la scission avec cette "médecine de l' à peu près", il va donc opérer seul à partir de ses connaissances, de ses observations et de son bon sens. Constatant les dégâts dus aux traitements « médicamenteux » administrés il commence à penser à d'autres méthodes de traitements.
 
Un évènement majeur va précipiter  sa rupture avec le système médical de son époque : la mort de 3 de ses enfants lors d'une épidémie de méningite cérébro-spinale en 1865 et l'incapacité totale de la médecine de l'époque à les sauver.
 
La mort des enfants de Still va créer chez lui une profonde motivation d’ordre théologique plus importante encore que ses motivations « médicales ».
 
En effet, Still vouait une importante  admiration envers Dieu. Sans sa profonde foie, l'ostéopathie n'aurait peut être pas vu le jour et c'est bien là que commence "la philosophie ostéopathique". 
 
De nombreuses citations de Still nous font penser qu'irrémédiablement Dieu est le parfait créateur. De cette perfection il tire de nombreuses reflexions l'amenant à penser que tous les remèdes nécessaires à l'homme sont avant tout situés en lui :
 

« Par l’union de l’esprit et de la matière, le grand inventeur de l’univers a construit la plus merveilleuse de toutes les machines : - l’Homme - et l’ostéopathie démontre pleinement qu’il est capable de la faire fonctionner sans l’aide de whisky, d’opium, ou de poisons de la même famille. »
 
« Je commençais à étudier l’homme et ne découvris aucune imperfection dans l’œuvre de Dieu. L’intelligence du Divin est incontestable ; sa loi, inaltérable. C’est sur cette loi qu’est fondée la science de l’ostéopathie... »
 
« Souvenez-vous toujours que « parfait » correspond ni plus ni moins au fait de Dieu, son œuvre achevée avec absolue exactitude.
 
« J’ai proclamé ultérieurement que le corps de l’homme est la pharmacie de Dieu et comprend en lui-même tous les liquides, drogues, lubrifiants, opiacés, acides et antiacides, et toutes sortes de drogues que la sagesse de Dieu a pensé nécessaire au bonheur et à la santé humaine. »
 
Tous ces écrits nous amènent à considérer l'homme comme acteur majeur de sa propre guérison :
 
« Avec la maladie Dieu a t’il abandonné l’homme dans un monde d’incertitude ?… Je décidai alors que Dieu n’était pas un Dieu d’incertitude, mais un Dieu de vérité. Et toutes ses œuvres, spirituelles et matérielles, sont harmonieuses. Sa loi de vie animale est absolue. Un Dieu si avisé, a certainement placé le remède au sein même de la demeure matérielle dans laquelle habite l’esprit de vie. »
 
Cette passion vouée à Dieu, va le motiver dans sa quête de comprehension du fonctionnement intime de la plus belle de ses création : l'Homme.
 
STILL fût largement influencé par :
 
-   Mesmer et son magnétisme animal.
-  Spencer et sa phrénologie (corrélation entre les facultés mentales d'une personne et la forme de son crâne) ou plus largement la relation entre une forme et sa fonction (causalité naturelle).
-   Wallace qui  refusait de croire que la sélection naturelle de Darwin était la seule cause de la nature spirituelle de l'Homme.
-   Son initiation en tant que Franc-maçon.
 
Révélation du 22 juin 1874 : Naissance de l’ostéopathie
 
Tourmenté par sa recherche frénétique et incessante d’une meilleure compréhension de l’Homme, Still eu, semble t’il à la lecture des Premiers Principes (1862) de Spencer, une révélation. En effet c'est à partir de cette date qu'il réussit à intégrer dans sa philosophie, la dimension spirituelle (l’Esprit) en cohérence avec l’aspect matérialiste tiré de la phrénologie, du mesmérisme, du darwinisme et surtout de l’évolutionnisme de Spencer. De ce jour, le conflit profond qui le rongeait fut résolu.
 
« En 1874, je hissai le drapeau de l’ostéopathie, proclamant que Dieu est Dieu et la machinerie qu’il a placée en l’homme est parfaite. » (Still, 2008, 278)
 
Mais cette fierté de 1874, au commencement de cette nouvelle pratique, créait une scission radicale avec le mode de pensée médical qui l'entourait. Ainsi, des tensions avec ses contemporains médecins étaient inévitables mais ces tensions  s'étendirent au cercle familial qui ne comprenait pas ce combat  et même dans son propre ésprit. En effet : comment survivre en opposition avec l'église,  avec  les  et sa propre famille ? Sans argent il avoue sombrer dans le désespoir.
 
Quatre années de traversée du désert et ce combat portera finalement ses fruits. Sa science commencera dès 1978 à traverser les frontières des états du Missouri et du Kansas. Ses premières réussites furent sur des cas souffrants de pneumonie, de dysenterie et d’asthme.
 
En 1891, C.Trowbridge mentionne que les gens affluent à Kirksville en chariots, en train, à pied ou à cheval. Le cabinet de Still ne désemplit pas, provocant crainte et jalousie des médecins voisins. Le vieux docteur comme l’appelle ses proches, dispose d’une énergie sans limite. Libéré des soucis financiers et sociaux, A.T. Still est enfin reconnu par la population et vénéré par certains (Trowbridge, 1999, 217).
 

Still souhaite transmettre sa découverte
 
Il apparait rapidement que Still  était plus attaché à mettre en place la philosophie et les principes de l’ostéopathie plutôt que de les enseigner. Pourtant lorsque trois patients demanderont à Still d’étudier, il acceptera de leur donner une année de cours. Satisfait des progrès de ses 3 élèves il décide de créer l’American School of Osteopathy (A.S.O). L’anatomie et la philosophie sont les matières théoriques enseignées. L’étudiant doit impérativement les maîtriser pour obtenir la permission de traiter lui même des patients.
 
Connaissant les exigences philosophiques « du maître », les professeurs de l’A.S.O trouvent difficile d’enseigner, particulièrement lorsque Still reste au fond de la classe pour contrôler « la pureté » du message transmis. (Trowbridge, 1999, 220)
 
Voyant l’ostéopathie prendre une place importante dans le paysage médical, les praticiens locaux, non initiés, commencèrent à incorporer, par curiosité, quelques techniques d’ostéopathie dans leurs traitements.
 
L’ostéopathie, pratiquée par « n’importe qui », s’ampute de ses bases scientifiques et philosophiques, la rendant méconnaissable à son fondateur.
 

Tensions au sein même de la toute nouvelle " famille ostéopathique "
 
Plus les années passèrent, moins Still fut convié au sein même de son établissement. L’arrivée de J. Martin Littlejohn en tant que doyen de la faculté et professeur de physiologie à l’ASO donnera également un autre ton à ce collège. Malgré les nombreux points partagés avec Still, J.M. Littlejohn accorde une place plus importante à la physiologie qu’à l’anatomie et s’applique à intégrer dans l’enseignement les sciences médicales.
 
Ces nouvelles positions viennent inévitablement heurter le fondateur de l’ASO. (Trowbridge, 1999, 238) Still, contrarié, refuse au doyen son diplôme d’ostéopathe D.O ainsi que le titre qu’il souhaite s’attribuer: « Docteur de médecine ostéopathique. » (Trowbridge, 1999, 240)
 
« Mon école a été conçue pour enseigner seulement l’ostéopathie. » (Trowbridge, 1999, 239). Malgré cela, les ostéopathes influencés par J. Martin Littlejohn, réclament et obtiennent à partir de 1899 le droit de pratiquer la chirurgie et l’obstétrique ainsi que la permission d’utiliser les antiseptiques et l’anesthésie. (Trowbridge, 1999, 241)
 
En contournant la philosophie Stillienne, les ostéopathes réussissent également à incorporer l’étude des vaccins, de la sérothérapie et des antitoxines au sein du cours de bactériologie.
 
Entre 1896 et 1899 treize écoles d’ostéopathie voient le jour. (Trowbridge, 1999, 241)
 

Transmettre par l'écrit les bases de l'ostéopathie
 
Voyant sa discipline malmenée, Still décide de se mettre à la rédaction d'ouvrages qu'il considèrera comme les bases de l'ostéopathie telle qu'il l'a conceptualisée. 
 
Il rédige alors 4 ouvrages et participe régulièrement à la rédaction du magazine officiel de l’ASO, The journal of Osteopathy.
 
En 1897 il publie son "autobiographie"
En 1898 "Philosophie de l’ostéopathie"
En 1910 "Ostéopathie recherche et pratique"
En 1892  "Philosophie et principes mécaniques de l’ostéopathie"
 


L'ostéopathie selon Andrew Taylor Still
 
L’ostéopathie est une science
 
« Certains pensent que l’ostéopathie est un système de « massage », d’autres qu’il s’agit de « guérison par la foi ». Pour ma part je n’ai aucune « foi », je désire seulement que le fondement soit la vérité. D’autres pensent qu’il s’agit d’une sorte de chamanisme magnétique. Elle n’est rien de tout cela ; elle est fondée sur des principes scientifiques. » (Still, 2008, 252)
 
« C’est la connaissance scientifique de l’anatomie et de la physiologie utilisée par une personne intelligente et habile, qui est capable de l’appliquer à l’homme malade… » (Still, 2001, 9)
 

L’ostéopathie cherche la cause, aidée par l'anatomie et la physiologie
 
« L’ostéopathie appartient à l’homme sobre qui ne se lasse jamais de l’anatomie, de la physiologie ni de la recherche de la cause de la maladie. » (Still, 2001, 9).
 

L’ostéopathie comme une science sacrée
 
« L’ostéopathie est à mes yeux une science particulièrement sacrée. Elle est sacrée parce que dans toute la nature existe un pouvoir de guérison. » (Still,2009, 20)
 

L’ostéopathie comme une avancée de la médecine de l'époque
 
Still précise reconnaître la nécessité de la chirurgie, des bandages, pansements, attèles, béquilles et anesthésiques parce qu’ils ont prouvé leur utilité. En revanche, il considère que ces thérapeutiques, en particulier la chirurgie, ne doivent être utilisées qu’en dernier recours. Still déplore donc leur utilisation trop systématique.
 


E n   R  é  s  u  m  é
 
Pour conclure, citons la définition rédigée conjointement par Still et son professeur de physiologie, Littlejohn. Cette dernière fut publiée en 1900 dans le premier numéro de The Journal of the Science of Osteopathy.([approche tissulaire],[2003])
 
« L’ostéopathie est la science ou système de guérison qui met l’accent sur :
 
- le diagnostic des maladies par des méthodes physiques avec l’objectif de découvrir non pas les symptômes, mais les causes de la maladie, en connexion avec les déplacements des tissus, l’obstruction des fluides et ce qui interfère avec les ressources et les forces nutritives de l’organisme ;
 
- le traitement de la maladie par des manipulations scientifiques par lesquelles le médecin traitant utilise et applique mécaniquement les ressources inhérentes de l’organisme soit en enlevant, soit en corrigeant les désordres mécaniques, pour surmonter la maladie et établir la santé, permettant ainsi à la nature de récupérer la partie malade, ou bien en produisant et en établissant des conditions antitoxiques et antiseptiques permettant de contrecarrer les conditions toxiques ou septiques de l’organisme ou de ses parties, en suppléant et régulant les apports nutritionnels ;
 
- l’application d’une chirurgie mécanique et opératoire dans la réduction des os fracturés ou disloqués, réparant les lacérations et enlevant les excroissances tissulaires anormales ou des éléments tissulaires devenant dangereux pour la vie organique. »
 



L ' o s t é o p a t h e   s e l o n    S t i  l l
 
Un ostéopathe est selon Andrew Taylor still :
 
 
- Un machiniste, un ingénieur humain qui augmente la force vitale par un touché affiné
 
« L’ostéopathe est un machiniste qui vérifie et qui ramène les parties endommagées dans leur condition première. La nature fait le reste. »
« Un Ostéopathe n’est qu’un ingénieur humain, devant comprendre toutes les lois régissant sa machine et ainsi maîtriser la maladie. » (Still, 2008, 232).
« Sa main est son thermomètre ; sa main est sa seringue. » (Still, 2009, 22).
 
- Un conducteur, opérateur, chef mécanicien mettant sa confiance dans la nature
    
« En tant que conducteur et opérateur, il connaît les différentes parties et leurs relations entre elles ; Vous êtes supposé être le contremaître des réparations. L’être humain est la machine, l’ingénieur est la Nature, et vous le chef mécanicien. » (Still, 2001, 35)
« Un Ostéopathe a appris que la nature est digne de confiance jusqu’au bout. » (Still, 2008,232).
 
- Un thérapeute qui traite la cause et l’effet grâce à son raisonnement affûté
 
« L’ostéopathe traite la cause et l’effet. Il ne doit surtout pas tomber au niveau inférieur de raisonnement du masseur. Le masseur travaille dur et obtient quelques bons résultats, mais il ne sait pas comment il les obtient ni pourquoi. Nous faisons tout pour que la raison nous guide. » (Still, 2001, 30).
« Trouver l’obstruction dans les fonctions sanguines ou nerveuses est le travail du thérapeute qui raisonne comme un ostéopathe et soigne par ostéopathie. » (Still, 2001, 135).
« Il a compris la loi de la cause et de l’effet, et il dirige ses actes en conséquences. » (Still, 2009,104).
« Notre rôle est de découvrir et de supprimer la cause. » (Still, 2009, 177).
« Il ne devrait jamais s’attarder aux effets mais toujours remonter à la cause dont la suppression provoquera la disparition de l’effet. » (Still, 2009, 20).
 

- Un homme perspicace, habile, consciencieux, épris de vérité, prouvant ce qu’il dit par ce qu’il fait
    
« Un ostéopathe devrait être un homme perspicace, consciencieux, épris de vérité, qui ne parle jamais avant de savoir qu’il a trouvé et qu’il peut démontrer la vérité qu’il revendique. » (Still,2001, 44).
« Un ostéopathe se doit d’être un homme de raison et de prouver son discours par son oeuvre. » (Still, 2009, 20).
« Un ostéopathe montre son habilité par le résultat de son travail. » (Still, 2009, 31).
« Le premier devoir de l’ostéopathe est d’être très précis quand il ajuste le corps humain. » (Still, 2001, 18).
 

- L’ostéopathe, tel un artiste trouve la santé et réajuste le corps vers la normale
 
Still veut que l’ostéopathe, tel un peintre, garde à l’esprit, lors de l’exercice de son art (traitement), une image vivante, de l’ensemble ou de chacune des parties du corps, grâce à sa connaissance parfaite de l’anatomie.
 
« Lorsque toutes les parties du corps humain sont en lignes, nous avons la santé. Lorsque ce n’est pas le cas, l’effet résultant est la maladie. Lorsque les pièces sont réajustées, la maladie fait place à la santé. Le travail de l’ostéopathe consiste à ajuster le corps de l’anormal vers le normal ; alors la condition anormale fait place à la normale, la santé résulte de la condition normale. » (Still, 2009, 13).
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